Jour 21
Au cœur de l’Atlas Oriental
Nous rejoignons les jardins contournant les cultures, très sèches cette année dû au peu de neige et de pluie.
Parfois la nappe apparaît et l’eau coule un peu dans les séguias. Dans la partie haute de la vallée les habitants ont creusé des puits à dix mètres pour irriguer leurs jardins avec des motos-pompes.
Par un sentier sur le flanc rocheux de la rive gauche nous atteignons le souk de Tilmi au cœur de la haute vallée d’Ait Haddidou. Le souk étant le jeudi nous n’aurons pas l’activité hebdomadaire du lieu. Nous trouvons un café pour une pose thé et omelette « berbère ». Le propriétaire nous offre pour le dessert des pêches « beldies » fondantes, il vient juste de les cueillir dans son jardin, qu’elle gentillesse.
Les villages sont importants et anciens, ils se succèdent des deux côtés de la vallée, construits autrefois en pierres, pisés et briques de terres, maintenant le ciment est devenu le matériau principal.
Les femmes sont joyeuses et n’hésitent pas à plaisanter avec les dames du groupe. Il faut dire que Zineb aime aussi les accoster et parlant leur langue, les sujets à évoquer sont nombreux !
Nous traversons les villages suivant l’accès des sentiers.
Nous observons à plusieurs endroits des blocs de grès au moulage de fonds marins sableux ondulés fossilisés qui recouvrent la plupart des airs de battages.
Douars L’hôtiguinr, Ait Toughssine, nous changeons de tribus des Ait Haddidou avec les Aït Magh-ghad. Tout au long de notre marche nous apercevons des groupes scolaires primaires et secondaires, colorés de peintures lumineuses. D’immenses investissements, bravo.
Au douar Abdeslam, nous sommes intrigués par des fruits qui sèchent sur un air de battages. Nous nous approchons et l’homme devant une grande maison nous ayant entendu parler nous indique qu’il s’agit de pommes tombées, coupées en morceaux et qui seront données à manger l’hiver aux animaux.
L’homme nous invite à boire du thé, nous acceptons. En nous approchant de la maison, des voies d’hommes psalmodiant le Koran nous parviennent depuis les fenêtres ouvertes. Des enfants et deux femmes sortent de la porte principale à notre rencontre. Lahcen notre hôte nous précise qu’aujourd’hui ils célèbrent le mariage de son frère. Le grand-père en fokeilla et tarbouche blanc limpide nous salue avec quelques mots de français.
Les voyageurs sont intrigués par ces psalmodies, j’entre avec Nicolas et Colin nous assoir parmi les hommes. La psalmodie terminée le maître du thé sert les quarante verres déjà disposés sur un grand plateau, un homme s’empare du plateau et commence le service par la droite.
Lahcen nous propose de rejoindre la pièce où sont restées Bénédicte, Ana et Zineb où les femmes de la maison les ont rejointes. Elles finissent de boire le thé, et un plat de viande de bœuf préparé par les hommes arrive sur un plat en céramique. Nous nous régalons de cette viande très tendre, le couscous nous est proposé mais nous déclinons car nous ne sommes pas à jeun, un plat de raisin arrive.
Quelle hospitalité généreuse pour les simples marcheurs que nous sommes.
Lahcen nous accompagne dans la traversée des jardins car notre direction est compliquée, les sentiers principaux vont pas dans direction, nous passons d’un verger de pommes rouges à un champs de maïs.
Nous faisons le détour par le vieux village du douar Abdeslam.
Zineb étant très curieuse de l’histoire, les voyageurs et moi aussi, Lahcen nous explique que de ce village, et de sa famille est parti un mouvement de résistance contre la pacification menée par les français. Lahcen nous présente le petit fils de Zeïd ouTachanat qui a accueilli et caché chez lui son ami Zeïd ou Hamed, d’origine de Tinjdad, de la grande tribu des Ait Magh-ghad.
Ce chef rebelle était recherché par les français qui savait qu’il était caché dans ce village.
Les français ont attrapé la femme de son ami dans sa maison, la menaçant avec un poignard sur sa gorge si elle n’avouait pas où se trouvait Zeid ou Ahmed. Zeïd étant caché dans une pièce à côté et entendant les menaces proférées sur la femme de son ami, à préférer se suicider en s’égorgeant lui-même qu’être attrapé et tué par les français.
Le grand-père Zeid ouTachanat à sa libération a trouvé sa maison et le village détruits avec des grenades. Sans se désespérer Zeid à reconstruit un grenier fortifié au-delà des jardins où tout le village s’était déjà déplacé.
Zeid ou Ahmed était un grand résistant comme Assou-baslam chez les Ait Atta, Ahmed L’Hansali région d’Azilal, Houmane El Ftouaki à Demnate, chefs des tribus rebelles du haut Atlas contre les français et le Makhzéne.
Nous traversons des jardins, les plus verts de toute la vallée, chance pour ces villages que la nappe d’eau ressorte naturellement au niveau des cultures.
Nous enjambons l’oued par un pont de bois alors que coule un petit filet d’eau, les talus sont profonds et montrent le volume d’eau que l’oued peut transporter.
Nous apercevons les tentes du bivouac installées au-delà du douar « Aghdil n’Tirkhssi » n’Taghzout. Voulant dire en « Tachlhaït » (l’estomac du mouton où de la chèvre).
Six heures de marche bucolique au milieu des cultures, environ vingt-deux kilomètres, altitude 1990 mètres.
Longue journée comme je les aimes, magnifique, de paysages comme dessinés par un grand peintre, de rencontres exceptionnelles et spontanées, d’informations qui dénouent l’histoire, de rires avec les femmes et aussi les hommes.