Jour 2

Au cœur de l’Atlas Oriental

Journée de transition pour nous acclimater, finir les derniers achats frais de fruits, légumes, viande, pain et orge pour les dromadaires qui sont effectué par
Brahim partit tôt ce matin à Rich avec Kassi (chauffeur du camion, qui a amené le matériel, tentes, nourriture, et les 4 chameaux en renforts).

Matinée:
Nous allons visiter la source de toute cette verdure qui sort du pied de la montagne de Taseumdelt.
Nous remontons les jardins et suivons la séguia (petit canal) qui alimente l’ensemble des villages. La source sort du milieu de l’oued caillouteux. 200 mètres plus haut nous rejoignons juste l’entrée de la grotte « Tinghort ».
L’année dernière nous avions visité cette grotte au long boyau donnant accès à des salles où pendent du plafond des stalagmites, jusqu’à un petit lac d’eau cristalline..
Hassan nous avait expliqué que des spéléologues Italiens sont venus il y a 8 ans percer le mystère de cette eau souterraine. Équipés de matériel de plongée avec bouteilles d’oxygène et ils ont réussi à franchir ce siphon naturel de 32 mètres, pour arriver dans une sorte de puis de 8 mètres toujours en eau et ressortir de l’autre côté en remontant un puits.

Nous voulons gravir la colline d’Abdel Moumen et découvrir quelques mystères de cette ancienne citadelle Almohades, perchée à l’entrée du désert, qui surplombe toute la vallée de Tazrouft et Zaouit.
Les Almohades ont régné en maîtres des sources et gardiens des passages caravaniers au 12eme siècle. Ce lieu est emblématique d’une bataille entre les Almohades et les Almoravide, tribus Berbères dominantes rivales sur le territoire du Maroc qui se sont affrontés ici dans ces montagnes désertiques.
Cette citadelle historique des Almohades porte encore aujourd’hui le nom d’Abdel Moumen Agoumi.
Il nous faut 45 minutes de montée bien raide et caillouteuse pour atteindre la bordure de cette colline. La plateforme du sommet de plus d’un hectare est jonchée de vieux murs en pierres sèches, de briques de terre et de morceaux de murs en pisé de plus d’un mètre d’épaisseur formant autrefois un rempart. Des abris creusés sur le bord et le tour de la falaise permettaient de garder cette citadelle du désert.
Des grottes plus profondes creusées par les tribus Almohades et aménagées pour s’abriter. Les parois recouvertes par endroits de chaux, attestent d’une époque où cette civilisation avait atteint un certain degré de confort dans ces lieux si reculés. Des dizaines de réserves d’eau sous forme de puits profonds sont creusés pour accueillir les pluies ruisselantes, comme les « tanoute fi » que l’on trouve sur la côte Atlantique. Les parties intérieures recouvertes d’une sorte d’enduit dure et étanche un peu comme du « tadlakt ». Ce revêtement que l’on trouve encore dans les anciens petits hammams des médinas et qui aujourd’hui font fureur dans les riads restaurés des médinas.
Toutes ces techniques de constructions nous révèlent la grandeur de la civilisation Almohade, dont ces ruines ont bravé les neiges, les pluies et les tempêtes du versant Sud de l’Atlas Oriental pendant plus de 8 siècles.
Cette colline – citadelle est recouverte ici et là de chênes verts, de genévriers, de câpriers et de plantes aux essences enivrantes.
Retour à Zaouit où nous attend un délicieux déjeuner chez notre guide Hassan.

Après-midi: Visite du village de la Zaouit Sidi Hamza. L’histoire de ce village est exceptionnelle.
« Fondation de la Zawiya Sidi Hamza (XVIe siècle). Celle-ci intervint vers 1550 lorsqu’un pieux lettré, Sidi Mhammed Boubker, originaire de Figuig et membre de la congrégation des Tidjâniya, dut quitter Ayt Ya ‘qoub lors de sa prise par les Ayt Haddidou. Recueilli par les ksouriens voisins de Tazrouft, il remplit longtemps chez eux le rôle d’Imam jusqu’au jour où il décida de fonder sa propre zâwiya un peu en aval de Tazrouft — la Zâwiya Sidi Hamza. Le bâtiment principal de la zâwiya — vaste demeure abritant salles de prières et d’études — fut construit et, sous l’impulsion de Si Mhammed et de ses descendants. Ce lieu acquit rapidement une grande renommée dans le pays. Plus tard s’éleva une mosquée dont le minaret en argile, érigé́ en légère pyramide dans le style local, existe toujours. On y venait de très loin, même du Sous et de Fès, soit uniquement pour verser l’aumône et goûter à l’hospitalité́ du chef de la zawiya, soit pour étudier la théologie et le droit. En faisant habilement preuve de diplomatie, les marabouts hamzawin surent concilier les liens affectifs aux Ayt ‘Ayache avec l’influence qu’ils exercèrent bientôt sur les Ayt Haddidou de l’Est, pour se poser comme intermédiaires à l’occasion de conflits intertribaux.
Cette Zâwiya-monastère, en même temps centre politico-religieux de l’Islam Soufi ayant un certain rayonnement, tout en occupant une position de choix à proximité́ d’une importante voie de passage Saharienne. »

Hassan nous emmène au travers des jardins et nous découvrons le village ancien.
Sidi Hamza au cours de ses nombreux voyages et pèlerinage vers le moyen orient, la Syrie, l’Égypte, achètera et ramènera des manuscrits, Kurans, Hadith, traités sur la vie du Prophète Mohamed, d’algèbre et mathématique, de poésie, d’astronomie pour nourrir sa bibliothèque de l’Ayachi.
La construction du bâtiment qui abrite la collection de l’ancienne bibliothèque date de 2010.
Depuis quelques années le village est en cours de restauration. Un des projets exemplaires entrepris par le Maroc pour la restauration du patrimoine rural et ancien.
Si Mohamed le conservateur de la bibliothèque de l’Ayachi, descendant de la lignée de Sidi Hamza, nous emmène visiter cette bibliothèque du désert où sont conservés des exemplaires uniques.
Un des plus anciens manuscrits date de 800 ans écrit par l’Imam Souahili (Un des 7 saints ayant un mausolée à Marrakech) sur la vie du Prophète Mohamed.
Un traité de mathématique, algèbre et astronomie écrit en noir avec des annotations à l’encre rouge.
L’histoire racontée des voyages et traversées du désert par Abi Salim l’Ayachi.
Une traduction de Sidi Hamza des « sahabas » (compagnons) du Prophète, Aboubakr Sidik, Aomar Ibn Khatib, Ali Ibnou Taàlib.
Si Mohamed nous fera découvrir des objets usuels ayant appartenu à Sidi Hamza qui nous font remonter le temps d’il y a 460 ans. Un « tarbouche » en feutre rouge-grenât (en forme de chapeau – casque), des bottes en cuir dans lesquelles se glissait une babouche, pour monter à cheval sur les longs parcours. Une jarre en cuir utilisée lors des grands voyages qui pouvait contenir de l’huile ou du beurre. (Je n’en avais jamais vu auparavant).
Une presse à plaque pour confectionner des manuscrits de fines feuilles de cuir.

Au travers d’un labyrinthe de ruelles en terre nous rejoignons l’ancienne mosquée construite par Sidi Hamza. Actuellement en pleine restauration. Le plafond en bois de cèdre noirci par 4 siècles que nous avions vue il y a deux ans a été démonté, et sera remonté après consolidation en cours des murs et du sol. Nous montons discrètement par un escalier très étroit en haut du minaret qui domine tout le village et la vallée. Quelle vue !

Si Hamza le bâtisseur s’était inspiré d’un certain art de vivre en Syrie, en Irak, en Égypte, où régnait le fleuron de la civilisation.
Il a construit son village sur un système de canalisations d’eau amenée par des canaux à flanc de pentes du pied de la montagne de la source que nous avons visité ce matin. Sur l’emplacement du futur village il a imaginé des canaux souterrains le long des ruelles, passant sous toutes les maisons. L’eau courante dans chaque maison avec une sorte de puits où l’eau s’écoule par gravité à un mètre sous la maison et où les habitants puisent l’eau amenant également la fraîcheur dans ces maisons. Un bassin avec eau courante au milieu du village permet aux ânes et animaux de boire, de se laver les pieds avant d’entrer dans les maisons au retour des champs ou d’un voyage à pieds dans la poussière du désert.
Quel art de vivre introduit par Sidi Hamza au cœur de l’Atlas dans ce village – Zaouïa.

Magnifique journée, remplie de découvertes et d’émotions.
Environ 6 heures de marche et 18 km.