Jour 16

Au cœur de l’Atlas Oriental

Le ciel est couvert ce matin.
Petit déjeuner agréable avec vue sur le vieux douar Sountate et ses toits de terre très claire.
Nous traversons le pont et nous passons devant un groupe d’une douzaine de jeunes filles de 15. – 17 ans qui attendent le bus pour rejoindre le lycée. Zineb s’arrête dix minutes et motive ces filles à s’appliquer à étudier et ne pas se marier tôt, pour avoir une autonomie dans leur vie.
Deux cent mètres plus loin, deuxième pose devant un cimetière où Zineb explique le rite de l’enterrement en Islam.
Nous remontons le long de l’oued rive gauche, le gazon vert l’année dernière est actuellement jaune, sec. Nous traversons une succession de gros villages anciens avec quelques Kasbahs fortifiées et des maisons très hautes. Ces gros douars sont construits sur les rebords de la vallée pour laisser les étendues planes aux cultures.
Par endroits la nappe vient irriguer les racines des plantes dont le vert presque fluo illumine la plaine. Quelques pompes à moteur alimentées avec des bouteilles de gaz, irriguent des parcelles bien vertes de pommes de terre presque mûrs, au milieu d’étendues jaunies.
Les paysans des hommes et quelques femmes courageuses dans leurs carrés de terre, désherbent, binent avec un piochon « aguelzime ».
Troisième pose au milieu d’un air de battage recouvert de belles dalles de pierres où Zineb explique le principe du battage avec tous les animaux de la ferme disponibles.
Nous retrouvons ces sentiers qui coupent les cultures empruntées par des mulets aux grands « chouaris » (doubles paniers fabriqués avec de la chambre à air, chargés de « leughbagh », fumier récupéré des écuries à l’intérieur des grandes maisons où d’enclos de bergeries.
Quelques étendues de pommes bien rouges colorent ce tableau où nous imaginons le peintre Jacque Majorelle devant des kasbahs élancées. Ces kasbahs représentées sur ses œuvres où celles de René et Raymond Euloge n’existent presque plus et sont en ruines. Autrefois l’élégance de leurs tours décorées de briques aux dentelles élevées vers le ciel, où se confondaient de petites meurtrières où se cachaient les pointes des fusils à poudre pour se défendre lors des rezzous des tribus pillardes.
Les femmes accroupies dans les cultures, coupent l’herbe très à ras, qu’elles transportent dans un carré de tissus sur le dos. Il reste absolument plus de tige dans les champs.
L’une d’elle nous interpelle étonnée que nous marchions. « Pourquoi ne prenez-vous pas une voiture ? ». Les voyageurs répondent « nous aimons marcher », elle est intriguée.
Nous pouvons observer leurs coiffes traditionnelles d’un foulard bleu presque indigo tenu par un filin noir, leurs yeux perçants et maquillés de khôl. Une des femmes croisées ce matin et que nous retrouvons porte une très belle double fibule qui attache son châle.
De grands peupliers « safssaf », d’une variété différente que ceux du M’goun où du Dadès plus bas en altitude, poussent proche du lit de l’oued, et leurs racines arrivent à capter l’eau à quelques mètres en dessous. Ces peupliers ont trois utilisations. Leur bois souple et solide pour les plafonds – toits plats recouverts de branchages et de terre. L’hiver avec la neige fondue sur les toits d’argile, doivent résister au poids. Ce bois est protégé des dégâts des insectes grâce à l’altitude.
Plantés au bord du lit de l’oued, ils freinent le courant lorsque l’oued déborde durant les gros orages.
Ces rangées de peupliers coupent un peu le vent qui s’engouffre par bourrasques l’hiver dans la vallée de l’assif Melloul, ici à plus de 2200 mètres d’altitude. Il peut y faire très froid lorsqu’il neige avec la tempête. Les fenêtres des maisons sont très petites, avec des volets intérieurs pour se calfeutrer.
J’espère revenir un jour au cœur de l’hiver à ski de randonnée pour vivre cette ambiance hivernale que j’aime, et qui me transporte quelques décennies en arrière lorsque je rejoignais la vallée de Bougmez par le plateau de Tamda et le tizin Tighist à 2600 mètres en ski de fond tirant un traîneau.
Nous apercevons sur la rive opposée le douar Sidi Ahmed Oulmrani. Lieu du tombeau et du Moussem d’Imilchil.
Je vous partage cette petite vidéo effectuée il y a deux ans lors du passage de la caravane d’Alice Morrison.
De circonstance aujourd’hui !
Le village sur les premières images est le douar Sountate à côté duquel nous avons fait étape hier, et d’où nous sommes partis ce matin.
Les deux légendes d’Imilchil :
• Isli et Tislit « les fillancailles »
• Sidi Ahmed Oulghani « Agoughame – Amghaghr » (le saint – l’ancien)

Au début des jardins ce matin, j’ai eu la chance d’apercevoir quelques secondes un couple de « houd », huppe fasciée, un des oiseaux de ma préférence. A peu près au même endroit que l’année dernière. Autrefois chassé pour l’utilisation de sa langue dans la magie.

Après deux ans de festival annulé pour cause de Corona, cette année les festivités devraient être exceptionnelles aux vues des préparations déjà très avancées pour la date du Moussem le 22 septembre 2022.

Nous avons perdu les traces de la caravane qui s’est engouffrée dans une petite gorge où s’ouvre une vallée perpendiculaire, cultivée et plantées de peupliers. Deux jeunes ados nous indiquent le passage sur un vallon caillouteux.
Le bivouac est installé sur une jolie petite colline qui domine ces cultures. Deux tentes sont déjà montées quand nous arrivons à 14 heures. Quatre heures de marche, environ quinze kilomètres. Une bonne journée, car marcher en bordure des séguias demande une attention constante pour ne pas mettre un pied dans le caniveau caché par les herbes et basculer au sol !.
Nous prenons le repas sous des peupliers qui nous offrent leur l’ombre.
Petite sieste, lecture, l’après-midi midi passe vite.
Brahim nous apporte le café au lait épicé et aux plantes. Une boisson courante dans l’Atlas et durant le ramadan à la rupture du jeûne. Et quelques pâtisseries effectuées par Aïcha glissées dans les sacs du ravitaillement.
Demain nous rentrerons au milieu des montagnes et plateaux quelques jours. Nous retrouverons ensuite les gorges des sources du Dadès et la haute vallée d’Ait Haddidou.