Jour 19
Au cœur de l’Atlas Oriental
Le chargement des dromadaires est plus difficile en raison du champ de cailloux aux milieux desquels notre bivouac est installé. Une fois les tentes démontées les chameaux peuvent baraquer sur l’emplacement de la terrasse de chaque tente pour être chargés. Il est trop difficile aux dromadaires de baraquer sur les cailloux car ils se blessent, c’est comme si nous agenouillons dans les cailloux.
Le cheminement s’effectue par le lit de la rivière. Deux passages nécessitent un peu d’attention pour le passage de la caravane chargée.
Au bout d’une heure et vingt minutes nous goûtons l’eau fraîche de la source Arbaloû’n « Bouikoulla » (les bosses).
Dans un virage de l’oued plus bas sur la rive droite Abdou nous indique la grotte de Bouikoulla. Nous grimpons sur la pente de cailloux d’éboulements un peu instables.
Abdou se rappel enfant vers l’âge de dix ans lorsqu’il gardait les chèvres, être venu plusieurs fois dans cette grotte dont l’entrée faisait plus de quinze mètres de hauteur. Un pan de roche incliné dans la grotte permettait ensuite de rejoindre en contrebas un petit lac ou nageaient des petits poissons blancs. Un énorme orage est venu remplir l’entrée de la grotte, et boucher le fond du lac de blocs.
La grotte de « Bouikoulla » et ses poissons blancs, ce n’est donc pas une légende.
Nous croisons un berger avec des chèvres et une fronde à la main pour rassembler ses bêtes. Plus loin c’est trois bergers avec un grand troupeau de moutons venus sûrement des plateaux pour faire boire leurs bêtes.
Apparaît le premier jardin herbeux entouré de saules. D’autres champs de verdure se suivent où se détachent l’élégance de quelques trembles au feuillage argenté sur le fond de la falaise orangée et polie.
Quelques carrés d’herbes sont entourés de fils, de cordelettes et de fils de fer comme des épouvantails. J’en suis étonné car ce type d’épouvantail est fixé pour faire fuir les oiseaux des cultures où de fruitiers, et là ce n’est que de l’herbe.
Lors d’une pose « fruits secs » Brahim et Idir retirent les brides des dromadaires pour qu’ils puissent manger les chardons secs, ils ont faim. Au bivouac précédent il n’y avait pratiquement pas de pâturage à chameaux et il restait seulement un fond de sac d’orge.
Abdou nous indique que ces épouvantails sont là pour apeurer « Oudéde », les mouflons qui viennent brouter l’herbe tendre cultivée.
En arrivant au bivouac juste à côté d’un champ de pomme de terre, je remarque que les fleurs sont toutes sectionnées, c’est les mouflons aussi qui s’en régalent.
Le bivouac pour la première fois est entièrement plat, nous profitons d’un champ de céréales moissonné, non replanté de maïs. Quatre heure trente de marche, altitude 2240 m.
Après le repas d’une salade composée de lentilles et de légumes, et d’une tome de fromage de chèvre, je m’offre une petite sieste. Allongé sur l’herbe à l’ombre de la falaise, les oiseaux piaillent, ce moment est délicieux. Pour certain l’occasion d’une grande toilette et de lessive, l’eau claire coule juste au pied du bivouac.
Je grimpe sur le flanc rive gauche de cette gorge, les traces des sabots des mouflons sont incrustées sur les ressauts raides entre les falaises de calcaire. Je trouve le passage dans les falaises, la roche calcaire est franche. Je n’aurais pas surpris de mouflon. Il faut dire qu’ils ont dû bien m’entendre bien que je prenne des précautions pour ne pas faire rouler de cailloux. La vue sur le plateau est superbe.
Je découvre un magnifique dessin au trait très fin piqueté par un berger, représentant un lièvre. En redescendant dans la pente c’est un superbe dessin de renard à l’affût proche d’un abris – azib sous roches encore utilisé par les bergers et dominant la vallée.
Notre soirée est douce, quelques grillons nous envoûtent de leurs sons. Entre l’axe des falaises de la gorge le ciel nous offre sa voix lactée d’une luminosité exceptionnelle.