Jour 7

Traversée massif du TOUBKAL

Ascension du TOUBKAL.

Réveillé à trois heures ce matin par un groupe bruyant qui partait pour le sommet du Toubkal, Brahim a mit une grande gamelle d’eau froide sur le gaz. Petit déjeuner à quatre heures cinquante minutes.

Départ à 5 heures quarante. La lune éclaire encore de son phare, nos lampes suffisent pour marcher tranquillement avec détails sur le sentier qui démarre dans les rochers surplombant légèrement le torrent. Rachid et Ali sécurise le passage, et j’attrape la main des hésitants. Nous marchons ensuite sur des dalles de granit, socle de l’ancien double glacier qui descendait du Toubkal et du vallon de l’Akioud. L’allure est lente et régulière ce qui permet à tous de monter. Souffler, taper les pieds à plats dans les graviers et la terre pour que la semelle des chaussures morde la pente raide, ces gestes se répètent à chaque pats.

Deux personnes sont devant nous, leurs lampes nous l’indiquent.

Au bout d’une heure nous retrouvons quelques dalles de granit, première pose pour souffler, effectuer les petits réglages des chaussures mal fermées.

Pose « f’jeughr » pour l’équipe, la première prière à l’aube.

Le froid se fait sentir, nous mettons gants et vestes. Il doit faire moins cinq degrés, les ruissellements d’eau sont bien gelés et les graviers prisonniers dans la glace. Inversion des températures dû au soleil qui commence à légèrement chauffer les sommets, concentrant le froid dans la vallée. Ichou, Mohamed de l’équipe du bivouac plus Hussein muletier sont venus en renforts pour l’ascension du Toubkal et aider quelques uns du groupe un peu juste pour monter et redescendre. Une personne qui vous attend, qui conseil le bon cailloux ou la sente à emprunter, cela aide beaucoup. C’est aussi la sécurité.

Nous croisons les premiers « ascensionnistes » qui redescendent du sommet. Ils ont dû arriver juste au premier rayon du soleil et redescendre immédiatement tellement il faisait froid. Certains chaussés de simple baskets et mal équipés pour le froid doivent souffrir sur le sentier raide. Devant nous un homme bascule en avant rattrapé de justesse par le guide qui l’accompagne, une jeune femme glisse brutalement sur le sol de terre dure. Le versant nord est à l’ombre longtemps. Ces personnes ont dû partir à deux ou trois heures de la nuit, quasiment rien voir et si peu profiter, ils effectuent l’ascension du Toubkal en un jour et demi et redescendent à Marrakech la même journée. On ne vient plus pour découvrir la montagne, ses vallées, ses habitants, c’est juste le point du sommet le plus haut du Nord de l’Afrique qui devient l’objectif. La notion de « goûter », découvrir, semble différente. Sommes-nous devenus si vieux et différents de la nouvelle génération où la consommation rapide semble être la motivation ? Je le vois à Dar Daif, saluant les « voyageurs » le soir où le matin, certains dans la semaine sont allés à Essaouira, visité Marrakech, fait l’ascension du Toubkal en hiver en louant tout le matériel à Imlil, venus à Ouarzazate à Dar Daif, le lendemain ils bivouaquent à Merzouga, le jour suivant à Fés d’où ils reprennent l’avion.

Autrefois on se moquait des Chinois qui visitaient l’Europe en six jours.

Le monde change si vite.

Nous franchissons tous le raidillon au pied du col du Toubkal, signe que le sommet est gagné pour le groupe. Une belle pose sur la crête pour s’émerveiller des horizons surtout au sud et à l’Est que les rayons du soleil mettent en valeurs dont les crêtes se succèdent très loin, presque à l’infini. Il faut reprendre le souffle pour certains. Le froid nous rattrape, nous continuons à cheminer sur la crête à pas lents et sûrs. Le triangle métallique du sommet est en vue, et la joie de rejoindre le sommet se lit sur les visages de chacun. Il reste vingt minutes pour traverser la pointe du versant Nord et atteindre la croupe sommitale du Toubkal à 4167 mètres.

Il manque Marion et Johannes accompagnés par Brahim et Ychou qui nous rejoignent quinze minutes après. Joie d’arriver au sommet des dix personnes du groupe plus de l’équipe. Bravo Ali, Rachid et Brahim pour le rythme lent et bien régulier ayant bien aidé les plus faibles, bravo à tout le groupe de 75 ans à 11 ans.

Nous sommes les seuls au sommet, c’est aussi une chance. Nous mangeons à chacun selon ses envies fruits, tomate, œuf, pain complet préparé hier soir par l’équipe au bivouac, fromage, fruits secs, dont Brahim et Mohamed nous ont préparé un petit sac personnel. Nous nous délectons du sommet plus d’une heure. La vue est très lointaine, nous distinguons le M’goun et même au delà probablement l’Ayachi où nous étions il y a un mois. Au sud les crêtes du Ouarkziz, au sud ouest la plaine de Taroudant et à l’ouest le sommet de Tigouga qui domine Agadir.

Rachid nous alerte, il vient d’apercevoir un aigle assez loin, un deuxième le suit, ils s’en vont direction l’Oukaimeden. Un troisième plus gros s’approche assez près du sommet, splendide, majestueux. Qu’elle élégance avec ses deux tâches blanches à l’avant sous ses ailes. Au deuxième tour, l’aigle de Bonelli plonge rejoindre les deux autres (trop loin pour les distinguer). Probablement un couple avec un juvénile. La « baraka » nous accompagne aujourd’hui, Humbdoullillah.

Pour la descente nous effectuons deux chemins, celui de la montée pour les plus fatigués et celui par la crête nord pour ceux qui ne craignent pas trop le vide et qui ont un pats sûr. Nous rejoignons le tizi’n Imouzzer, puis le vallon Ouest où s’est craché un avion en 1968 quelques mètres sous le sommet d’Imouzzer. Les débris de l’avion, morceaux de carlingue, deux réservoirs, un moteur sont visibles le long du chemin de la descente.

Nous arrivons au refuge et notre bivouac à quinze heures. Rachid est partit devant nous et nous a préparé une omelette aux oignons très appréciée, avec une salade. La douche bien chaude au refuge efface la fatigue de chacun.

Dix neuf heures, la soupe délicieuse de Brahim est prête, à vingt heures quinze la tisane est servit et rapidement les lampes s’éteignent dans les tentes.