Transhumance 2023

Une des dernières – Jour 3

Réveil à 4 heures 30 mn, il faut encore nuit noire.
Les nuages ont disparu cette nuit, je n’ai rien vue et dormi profondément.
Un feu est vite allumé devant la tente de la famille pour chauffer l’eau et le thé. Un bout de pain trempé dans un bol d’huile d’olive et quelques verres de thé sont bus. Chacun s’occupe de sa tâche, pour bâter d’une couverture roulée les ânes et les dromadaires, charger les doubles paniers « chouaris ». Ito se tient à l’écart du troupeau pour bloquer et éviter que les chèvres commencent à se disperser. Les deux petites filles de Mohamed encore enroulées dans une couverture à demi assises croquent un bout de pain devant le feu qui les réchauffe, elles seront ensuite callées chacune sur un âne avec des couvertures.
Le petit déjeuner du groupe préparé par Brahim est vite avalé.
Hier après-midi j’ai réussi à capter un fil d’internet en haut d’une montagne pour atteindre la météo. Il y a quelques jours la météo annonçait déjà une nouvelle précipitation pour trois jours d’affilé de pluie et neige sur l’Atlas versant Nord. Ces précipitations sont confirmées et cela correspond à la grande journée des trois cols à plus de 3000 mètres d’altitude avec des vires étroites dans des pentes raides. Passages absolument dangereux sous la pluie pour notre caravane et particulièrement pour nos chameaux du désert.
En nous levant tôt nous pourrons effectuer deux étapes en une et la journée des cols la franchir juste avant le mauvais temps. Zineb qui se trouve une étape dernière nous avec une autre famille de nomades et un petit groupe de voyageurs, risque d’être bloquée trois jours si la précipitation annoncée est forte. A 2800 mètres d’altitude il est presque garanti que la neige arrive. Situation que j’ai déjà rencontré plusieurs fois durant les transhumances en franchissant ce deuxième plissement de l’Atlas.
La famille de Mohamed préfère effectuer deux étapes aujourd’hui, ils ne veulent pas de la pluie dans le passage des vires.
Nous descendons l’oued caillouteux bordé de falaises calcaire encore dans la pénombre, le sentier se devine. Des tuyas sont accrochés dans ces falaises inaccessibles.
Nous rejoignons la vallée de l’assif d’Imejdag par sa rive gauche sur une vire qui chemine jusqu’à l’oued que nous traversons. Nous découvrons une zone de campements des nomades M’goun, avec des petites tentes triangulaires, qui autrefois étaient recouvertes de nattes de joncs tressés avec des fils de laine, « Amssouille », déposées comme faîtière sur l’armature en piquets de bois de la tente. Aujourd’hui la tente a changé, c’est une toile constituée de morceaux de tissus cousus qui remplace les nattes de joncs. En cas de pluie les bergers M’goun déplient une bâche plastique qui rend parfaitement étanche la tente, l’ensemble est moins lourd.
Le lit de la rivière est bordé par endroits d’herbes bien vertes qui ont engazonné les rives, nous marchons sur ces tapis naturels, quel contraste après les cailloux arrondis de l’oued. Les bergers M’goun sont installés au long de l’oued, leurs troupeaux sont encore dans l’enclot, attendant que le soleil chauffe l’herbe pour éviter que les bêtes broutent l’herbe recouvertes de rosée froide. La caravane de Mohamed avec ses dromadaires et les ânes chargés nous dépasse. Il faut dire que les poses sont très rares chez les nomades, l’objectif étant de rejoindre l’étape le plus rapidement possible, pour décharger les animaux et les laisser pâturer l’après-midi.
Nous rejoignons la source de Tamgoumaghrt, l’emplacement du bivouac que nous utilisons souvent est déjà occupé par la famille de Zeïd qui nous a doublé en fin de matinée. Notre caravane s’est enfoncée dans un vallon en suivant la petite source cristalline cent cinquante mètres de dénivelés au-dessus sur un promontoire abrité du vent, altitude 2740 m. 6 heures 30 mn de marche. Nous sommes encore mieux qu’au bivouac habituel.
Nous avons effectué deux étapes dans la journée.
F’tou la fille d’Ahmed et Ito a épousé un berger M’goun, d’un petit hameau en amont des gorges Taghria n’ M’goun. La famille de son mari au début de l’été monte à l’estive de Tamgoumaghrt, en haut d’un affluant juste avant Taghria n’Ouanzik. Ahmed me propose de l’accompagner pour aller voir sa fille qui a accouchée il y a cinq mois d’un garçon. Une partie des voyageurs nous accompagnent. L’occasion de rentrer sous une de ces petites tentes. F’tou nous accueille sous sa tente. Ahmed, son beau-frère nous raconte qu’il y a quinze jours, durant la vague de froid cinquante centimètres de neige est tombée le lendemain de leur arrivée aux pâturages. Très fier de nous montrer sur son téléphone ses brebis marchant l’une derrière l’autre dans la neige.
Retour au bivouac, Aïcha nous propose de nous présenter la cuisson du pain « Oufdighr » sur les pierres. Un moment assez unique de partage.
Une belle surprise ce soir à la fin du repas, je ne m’y attendais pas du tout. Hier était mon anniversaire, Brahim averti par ma sœur à Ouarzazate, il a amené avec lui du vrai chocolat pour effectuer un gâteau des plus délicieux, cuit dans le four à pain. Franchement j’étais bluffé par la qualité de ce gâteau. Yvette avisée par un message de Françoise qui lui a fait un message, et venant de Suisse a glissé dans ses bagages une boite de chocolat pour l’occasion, emballée dans un magnifique foulard. Un joyeux moment partagé tous ensemble avec l’équipe et la famille nomade. Il n’est pas dans les habitudes traditionnelles au Maroc de fêter les anniversaires, sauf assez récemment dans les familles, dans les villes.