Transhumance 2025 – RETOUR

Jour 4

7 heures 15 mn, nous remontons la fin de la vallée, les falaises de rapprochent. Des campements nomades et des petits troupeaux sont encore endormis dans les enclos de pierres sèches devant les « azibs » (petites bergeries) au pied des falaises. Le sentier sillonne dans la plaine au pied de pentes d’éboulis puis disparaît. Il faut enjamber des rochers de calcaires et les touffes épineuses.
Nous grimpons par un sentier bien tracé qui coupe les pentes en lacets réguliers, empruntés par les caravanes chargées. Le tizi’n Ibroule se détache sur un replat, col à 3240 mètres. Vue magnifique au nord sur les crêtes de l’Azourki qui culmine à 3700 mètres. Au sud se détachent une multitude de crêtes aux couleurs gris- pales blanches qui s’entrecroisent sur l’horizon.
De chaque côté du tizi’n Ibroule (col de la grêle) de nombreux « cairns », des tas de pierres plates empilées, peut-être une centaine sont disposés sur ce lieux pour invoquer les « Esprits, les Dieux », pour être protégés. Les dangers sont très nombreux, tempêtes sur les plateaux et les vires à plus de 3000 mètres qui traversent des pentes très raides. Mais aussi à une époque ancienne des pillards attaquaient les caravanes chargées d’orge et de blé dans un sens, et de dattes et de henné au retour. Gare aux caravanes de quelques mulets où chameaux qui s’aventuraient sur ces plateaux, il fallait au moins cinquante animaux et autant d’hommes armés « d’ajnouïs » (poignards courbes) que portaient en bandoulières autrefois tous les hommes commerçants, et les bergers, de fusils à poudre et de frondes pour sécuriser la caravane commerçante. Les périodes de grandes sécheresses étaient plus risquées. Si les commerçants n’étaient pas des vallées situées sur les flancs proches de l’Atlas, il fallait qu’ils payent la sécurité d’une escorte d’hommes des tribus traversées pour garantir ne pas être dépouillés de toutes les marchandises et de leurs animaux de bâts.
Nous dépassons une pierre à polir les « ajnouïs » à lame courbe et tranchante des deux côtés. Ce poignard était l’outil de tout homme adulte, couteau pour égorger le mouton ou la chèvre qui venait de tomber d’une falaise n’est pas consommable s’il n’est pas égorgé, mais c’est aussi une arme dissuasive sur les chemins et en cas de conflits.
Nous arrivons sur le territoire des M’gouns des hauts plateaux. Par une sorte de grande vire qui chemine d’un vallon à l’autre nous rejoignons le pied des pentes du Tizi’n « t’feur-doute » col des tours, le 2eme col.
Lahcein s’est arrêté sur un « Amazir » enclos de pierres appuyé à une petite falaise – mur abrité du vent, altitude 3050 mètres. Quelle vue magnifique du bivouac sur le haut d’une gorge aux falaises qui plongent sur la haute vallée du M’goun, l’Ouzighrimt.
Les bergères arrivent juste quand la pluie démarre sérieusement. Les chèvres se serrent sur ce mur incliné qui domine le bivouac. Toute l’équipe est bien fatiguée par cette dure journée, départ ce matin des bergères avec le troupeau avant septe heures, elles arrivent il est dix-sept heures.
Les voyageurs sont arrivés à quatorze heures trente, Mohamed avait déjà préparé le thé nous apercevant. Un plat de lentilles aux carottes, est très apprécié par tous. Nous mesurons notre « baraka » d’un temps sans vent ni froid durant cette longue journée, certes couvert mais agréable. Le vent, la pluie, la grêle où la neige auraient rendus cette étape en altitude très éprouvante.
Un souvenir me revient d’une trentaine d’années en arrière, durant une transhumance de printemps, nous avions effectué un bivouac sur ce plateau. Fatigués par une longue journée nous nous étions réveillés le matin, les nomades étaient partis au milieu de la nuit avec leur troupeau et leurs dromadaires dès que la neige avait commencé à tomber, avec les muletiers et leurs mules. Aucun bruit n’avait réveillé les voyageurs, nous dormions dans une tente de nomades en laine, quand la neige tombe les sons sont diffus. Il y avait 40 centimètres de neige au petit matin. En milieu de journée le temps s’était éclaircie, cinq muletiers avec leurs mulets avaient fait la trace pour nous rejoindre. Nous avions tout ramassé et rejoins la haute vallée d’Izourar, retrouvé les nomades qui étaient partis craignant trop de perdre leurs bêtes avec la neige si le mauvais temps avait continué.
Chacun se glisse dans sa tente et son sac de couchage, il pleut régulièrement. Brahim a préparé la pâte à pain, déjà le four chauffe, c’est Ali qui enfourne les galettes. Mohamed rempli la marmite pour faire une grande soupe qui suffira pour le repas ce soir que nous prendrons tôt.
Dehors la pluie tombe en alternance avec du vent.