Transhumance 2025 – RETOUR

Jour 3

Il fait encore nuit, un petit feu illumine le bivouac de Lahcein. T’loô son épouse m’offre un bol de soupe de céréales parfumée au beurre de chèvres. Ce matin Lahcein décide de traverser la plaine du lac Izourar et rejoindre le pied du col de Tizi’n Ibroule.
Le campement est vite démonté, chargé sur les dromadaires bien dociles. Le troupeau de chèvres démarre avant la caravane, Monique emboîte le pas. Nous rattrapons les bergères que nous aidons à contenir son troupeau attiré par les dernières terrasses de cultures de la vallée de Bougmez.
Nous dépassons l’usine temporaire de chauffe du goudron pour le chantier de rénovation des routes d’accès à cette vallée de Bougmez perdues au cœur des plissements de l’Atlas, comme une île au milieu de l’Océan.
Nous restons avec le troupeau grimpant les pentes verdissantes exposées nord. Ce n’est pas par hasard si les bergères gravissent ce versant raide, les touffes d’Ifssis sont vertes amendes. La petite « Tameksaoute » Siham saute d’un caillou à une touffe d’herbe comme un cabri auprès des chevrettes isolées.
La vue se dégage et nous apercevons la vallée de Bougmez dans la brume de la pluie d’hier jusqu’au grenier fortifié qui domine le cœur de la vallée de Bougmez.
La bergère retient le troupeau un moment le temps de laisser passer juste devant un autre troupeau des Aït Bougmez, il ne faudrait pas que les bêtes se mélangent.
Nous franchissons la croupe qui domine le lac Izourar, véritable verrou formé par un effondrement d’une montagne éboulée du versant du Wagoulzat qui a fermer le fond de la vallée de Bougmez. Un lac s’est rempli, au fil milliers d’années les montagnes en amont de cet éboulement se sont érodées et rempli ce lac pour former cette plaine au fond plat du lac d’Izourar. Les années de neige abondante, l’eau de fonte accompagnée de pluie arrivent à remplir la plaine qui devient un lac inondé d’un à deux mètres d’eau. Le fond de cette plaine – lac devient le réservoir d’une source qui peut devenir très abondante les bonnes années et fournir à toute la haute vallée de Bougmez et au-delà l’eau qui remplies les milliers de séguias d’irrigations. Les années de sécheresse il peut même arriver que le débit de l’eau soit si réduit qu’il doit être partagé par un temps limité pour chaque parcelle. Cette répartition de l’eau est gérée par habitants de chaque village. C’est le Mokadem qui a la charge des conflits dont « voleurs d’eau » la nuit vont discrètement dévier la séguia dans leurs champs.
Nous traversons la plaine d’Izourar, quelques plaques verte d’herbe disséminées entre les zones de terre craquelée. Quelques orages cette fin d’été ont verdi le pâturage, même quelques brins d’herbes ont pu pousser.
Le ciel déjà chargé en altitude se noircît et cette masse sombre arrive assez vite sur l’Azourzi. Le craquement du tonnerre nous fait presser la marche, pas trop envie d’être trempé.
Le bivouac est installé au pied d’une petite falaise, abrité avec une pente raide attenante pour que les chèvres se rassemblent groupées la nuit. Les garçons glissent la bâche plastique sur les deux tentes quand nous arrivons, il est quatorze heures, altitude 2560 mn.
Mohamed a déjà préparé une omelette aux légumes et tome de chèvre de la coopérative de Ouarzazate.
L’orage gronde, sieste dans les sacs de couchage, je m’endors profondément.
Fin d’après-midi une éclaircie vient réchauffer les tentes, le ciel se recharge d’une deuxième vague nuageuse.