Igoudar Forteresses de l’Anti-Atlas
Jour 3
Les « Igoudar » d’Amtoudi
Nous remontons l’oued d’Amtoudi, dévasté par les inondations de septembre 2024. Une grande partie de la palmeraie et des jardins des deux rives ont été emportés, quelques maisons et boutiques récentes proches de l’oued ont également été détruites. L’état a entreprit des travaux gigantesques pour sécuriser les villages, endiguer les rives de l’oued par d’énormes gabions. Des dizaines de « traks » creusent, déblaient les alluvions et racines des palmiers avec des camions. Un programme d’assistance pour ces villages sinistrés d’amener de la terre végétale pour la plantation de nouveaux palmiers. Bravo à l’administration de la Willaya de Guelmim et à l’État.
Après une heure de marche en longeant l’oued, nous grimpons sur un petit chemin au départ de la palmeraie en lacets pour accéder à « l’Agadir » Aguelouy, construit sur une tour naturelle dominant l’oued d’environ deux cent cinquante mètres de falaises verticales. Au bout de ce sentier muletier le gardien de l’Agadir nous ouvre les deux portes successives pour rentrer à l’intérieur de cette fortification, rendant presque imprenable ce grenier collectif.
Durant la descente, je constate que la surface du « roda » le cimetière, est du double que la surface du village juste à côté, ce qui confirme l’ancienneté de ces Igoudar.
Nous retrouvons la famille de Hassan pour déguster deux grands Tajines. Petite sieste digestive en attendant que la température baisse un peu, il fait très chaud pour marcher en début d’après-midi.
La maison de Hassan se trouve en haut du village adossé à la montagne. Par un excellent sentier muletier et même chamelier nous gravissons le flanc de la pente pour atteindre le haut de la falaise où se trouve l’Agadir Id Aïssa également très spectaculaire. Il domine l’oued et la plaine de Taghjicht. Nous déambulons au travers de cet « agadir » poussiéreux, les passages sont souvent très bas, il faut se baisser pour ne pas se cogner la tête aux poutres d’arganiers qui soutiennent les toits plats. Nombreuses pièces étroites gardaient en sécurité les biens des habitants, céréales, fruits et légumes secs, plusieurs citernes « tanoute-fi» récupérant ingénieusement l’eau de ruissellement de pluie des toits, divers passages et roches. Espaces pour rassembler les familles avec les animaux qui pouvaient durer de longues périodes lors ce que les pillards rodaient sur les plateaux et dans les vallées.
Ces « Igoudar » (greniers fortifiés circulaires) appartiennent à la tribu des Ait Herbils, ils font partie des plus anciens greniers fortifiés du Maroc, construits en pisé et en pierres, sur des montagnes tabulaires comme des tours détachées par l’érosion de la falaise principale.
Quelle architecture majestueuse du bout du monde bâtie il y a plus de huit cents ans. Qui étaient ces ingénieux-malhémes ?
Dans le haut Atlas central les anciens racontent que ces maîtres artisans étaient des juifs. Étaient-ils venus avec les caravanes commerçantes du Moyen Orient jusque dans l’Anti-Atlas occidental ?
Salima Naji, architecte spécialisée de construction et restauration en terre et pierres et anthropologue à gérer durant plusieurs mois en 2004 la restauration de ces deux « Igoudar » très abimés pour le compte d’une fondation et de l’état, ce qui les a littéralement sauvés.
Ces « Igoudar » mériteraient un petit entretien et une mise en valeur en un véritable musée avec des jeunes historiens passionnés par l’histoire du Maroc et cette période Berbère – Amazir.
Les 4×4 nous attendent en bordure de la palmeraie dans l’oued, direction le site des gravures rupestres d’Adrar Azersem où le camion et l’équipe du bivouac sont arrivés hier avec tout le matériel. Cette année il n’y a ni de chameaux ni de mulets pour le transport des bagages et de la nourriture. Nous nous adaptons au profil du territoire très étendu et de nos amis Allemands, voyageurs retraités qui reviennent pour la treizième fois, certains plus âgés.
Les 4×4 nous permettent de rejoindre différents sites intéressants que nous pouvons approfondir à pied durant cette traversée de l’Anti-Atlas Sud-nord. Le thème principal étant les « Igoudar » mais aussi les gorges, villages, vallées et l’ascension du Jbel Kest.
Le ciel rougeoie sur le désert, quelques nuages s’enflamment, spectacle de fin de journée qui embaume les cœurs.





