Sur les traces des anciennes caravanes
Jour 4
Départ ce matin 6 h 15 mn.
Nuit la plus fraîche, ciel très pure, la voix lactée ce matin lumineuse. Nous retrouvons le plateau avec une forêt de tuyas très claire semée. La caravane fait halte à une source pour charger 3 bidons d’eau bien fraîche.
Brahim, Addi et les chameaux continuent plein nord directement sur Tellouet. Je m’écarte par un petit sentier pour rejoindre le village d’Amguelz. Je rattrape un garçon avec son mulet très chargé de « leughbaghe » crottin de chèvres qu’il a récupéré dans un azib (bergerie) pour fumer les jardins. Il fera probablement 5 ou 6 voyages dans la journée.
Le village d’Amguelz est construit en pisé, où s’élevait de magnifiques kasbahs élancées. Ces kasbahs étaient fortifiées pour se défendre des tribus venants piller les réserves qu’offrent ces superbes jardins, amendes, pêchers, abricotiers, pommiers, grenadiers, noyers, vignes et plusieurs céréales. On trouve en légumes, oignons, carottes, choux, navets, pomme de terre et fèves.
Jacques Majorel, peintre orientaliste venait séjourner dans ce village dans les années 1935-40, son ami René Euloge écrivain, peintre, et grand découvreur des vallées de l’Atlas l’accompagnait souvent.
Je traverse ces jardins luxuriants, et j’imagine ces 2 grands peintres, leur chevalet installé sous les amandiers, profitant de la fraîcheur, face à ces kasbahs qui ont presque disparues, rattrapées par des maisons en ciment. Les rosiers damaskina, en bourgeons pointent leur couleur rose.
Je longe l’oued puis par un détour je m’enfonce dans une petite vallée gardée sur la hauteur par une petite fortification en ruine. Cette vallée étroite dans les terres rouge, ocre et une veine de roche noire conduit à l’ancienne mine de sel, dont la galerie est fermée par une lourde porte en fer. Cette mine de sel de qualité, était réputée et les caravanes l’exportaient très loin.
Quelques vallonnements puis j’aperçois le long de l’oued les jardins de Tellouet. Entre les cultures de luzerne (pour nourrir les vaches et quelques brebis élevées dans une coure de maison).
Un homme marche dans les jardins avec une fronde tressée à la main. Étonnant cet homme ne garde pas de troupeau au milieu des cultures ? J’imagine qu’il chasse des pigeons. Je le salue, quelques échanges de politesses. Étonné que je vienne à pied de Ouarzazate, je lui demande que chasse t’il avec sa fronde ? « Je garde mes abeilles », en fait quelques oiseaux viennent manger ses abeilles revenant à la ruche chargées de miel. Ses ruches sont à l’intérieur d’une petite maison en pisé, avec l’ouverture à l’extérieur du mur. Le corps de ruche est en roseau effilé et tressé. Si Lahcein m’invite à visiter ce rucher de montagne dont les ruches sont protégées de la neige l’hiver et des vents. Il me fait poser mon oreille sur un de ces treillis d’une ruche dont le bourdonnement est continue. Belle rencontre.
Je rejoins l’immense Kasbah de Tellouet où les caravanes autrefois faisaient halte avant de franchir l’Atlas. Véritable caravansérail, lieu de repos, où les caravaniers payaient l’impôt de passage sécurisé et de protection des marchandises et des hommes. Kasbah des frères glaoui, malheureusement en ruine. Quel dommage qu’une restauration ne soit pas effectuée, chef d’œuvre d’architecture construit par des artisans habiles venus de partout le Maroc: jlijs (faillances de Fés découpée minutieusement, stucs (sculpture de plâtre), plafond de cèdres ouvragés.
Dans quelques années cette Kasbah déjà bien en ruine sera irrécupérable. Déjà de grandes parties de bâtiments sont écroulés.
Je traverse le village de Tellouet, et par un sentier entre les villages je retrouve la caravane, le bivouac est monté, les garçons dorment, les chameaux entravés (corde qui maintient les pattes avant très serrées, pour éviter qu’ils aillent loin et surtout vers les jardins ce qui nous attirerait des ennuies.
Il est 15 heures. Altitude 1890 mètres, nous sommes au dessus de Tellouet et au pied du Tizin Tellouet dont on aperçoit le sentier en lacet.
J’ai marché 7 heures, environ 30 km., bien réjouis de m’assoir et de repenser à toutes ces rencontres.