Sur les traces des anciennes caravanes

Jour 17

Brume marine et humidité ce matin. Le plafond nuageux est très bas.

Nous trouvons un excellent chemin sur un plateau agricole dont les parcelles sont immenses, la terre est très riche. Orge, blé, et oliviers poussent allègrement.

Nous croisons quelques hommes sur leur âne en amazone partant au souk, tous portent une djellaba de laine. Les premiers hommes que nous voyons dans le milieu agricole à porter la bavette. Quel contraste dans le lieu où nous nous trouvons.

Ce plateau agricole se termine brusquement par une colline très aride, caillouteuse. Quelques bergers et leurs moutons qui paissent des herbes courtes, déjà sèches et rouge, comme ces plantes qui annoncent l’automne. La brume marine doit les faire pousser, nous sommes à la fin du cycle.

J’effectue un détour sur le chemin de la caravane. Je suis intrigué par un énorme tumulus (amas de grosses pierres sur un diamètre de 20 mètres / 10 m., et 2 m. de hauteur) je n’ai jamais vue de tumulus dans cette région. De près je confirme qu’il s’agit d’un tumulus géant. Ces tumulus datant de plus de 3000 ans, avaient plusieurs fonctions. Lieux de sépultures, de tombeaux mais aussi des repaires sur les grands itinéraires sahariens très anciens, qui traversaient toute la partie Est du Maroc, de la zone Orientale reliant la zone du Dràa, l’oued Chbika, Smara, Sakia El Hamra.

On les trouves sur des cols et des lieux un peu surélevés, permettant d’être vue à des kilomètres et d’annoncer le passage qui se voyait même de nuit quand le ciel est lumineux d’étoiles où avec la lune.

Je constate quatre lieux de fouilles de ce tumulus dont un bien profond. Que cachait ce tumulus ?

Nous rencontrons sur la piste caillouteuse une Renault 12 en panne. 3 hommes en train de réparer le moteur. Le coffre ouvert, nous pouvons distinguer 2 bouteilles de gaz qui alimentent le moteur par un tuyau en caoutchouc.

Nous traversons ce plateau valloné, et nous apercevons le premier chameau dans la cour de la ferme. Ici le nom du chameau c’est « Aghame ». Dans le région de Ouarzazate – Dràa son nom est « Alghoum ».

La descente du plateau est raide. Nous traversons la première zone de forêt d’arganiers. Cet arbre endémique au Maroc « Argania spinoza ». J’en parlerai demain.

Nous arrivons dans une vallée où l’oued coule légèrement, probablement toute l’année au vue de la végétation luxuriante. Au long de cette vallée – oasis, assif Ait Bayout, des petits villages. Maisons – fermes au caractère bien du Sous, murs de petites pierres dont le tour de la porte principale est blanchit à la chaud. Souvent une pièce carrée à l’étage aux fenêtres très basses à 20 cm du sol. Autrefois on vivait assis au sol. Le salon où sont disposés sur une natte en osier quelques coussins pour se caler le dos. Ces fenêtres très basses était le petit courant d’air idéal, mieux et plus agréable qu’une clim pour faire la sieste au retour des travaux des champs, partager le repas les jours de grande chaleur.  Se transforme en salle à coucher en déployant une ou deux couvertures en guise de matelas.

Nous découvrons un véritable jardin d’Eden où poussent d’immenses arganiers et oliviers centenaires, amandiers, figuiers, caroubiers,

grenadiers, vigne grimpant très haut sur les arbres. Nécessité d’être très agile et svelte pour récolter les fruits. Nous croisons quelques personnes qui moissonnent. Des enfants avec une fronde fabriquée en tressage de bandes étroites de palmier nains chassent les pigeons.

Les jardins sous ces immenses arbres sont mal entretenus. Une bonne partie de la jeunesse à préféré rejoindre Agadir où Essaouira pour travailler avec un salaire meilleur. Les plus anciens restés au bled et les femmes prennent soins en priorité des arbres.

Au bout d’une heure de cette joyeuse vallée,

le chemin devient difficile pour nos chameaux trop hauts avec les charges, ils passent en forçant sur les jeunes branches et feuillages. Maintenant les branches troncs nous empêchent totalement de passer. Nous essayons d’effectuer le tour des arbres. Le terrain pentu, des murets de pierres sèches instables. En vain, nous décidons de sortir de ces magnifiques jardins.

Une piste rive gauche nous le permet, qui nous conduit à une petite route. Comme le goudron n’est pas le mieux pour les chameaux ni pour nous, nous cherchons un chemin où une piste. Un homme nous indique qu’en franchissant un col sur une colline plein sud nous pourrions rattraper quelques kilomètres plus loin. Nous nous engageons, rejoignons le col. Nous nous éloignons de notre axe de marche, l’ouest. Le terrain n’offre pas de passage. Au bout de 5 kilomètres nous décidons de faire demi tour et tenter de couper par un oued caillouteux. Franchement difficile pour les chameaux et pour nous, de gros cailloux instables, des arganiers trop bas. Nous retrouvons un plateau, une sente d’ânes où de chèvres, quelques habitations abandonnées. Nous cherchons un emplacement de bivouac en vain car partout sur des kilomètres des cultures de « boughr », de beaux arganiers sur les parcelles non cultivées.

Nous décidons de rejoindre une ferme située sur le haut d’une colline et demander de l’eau.

Par l’aboiement d’un chien, un homme âgé sort par la porte entre ouverte, marchant péniblement avec une canne. Un deuxième homme un peu plus jeune arrive d’une autre ferme accolée, il porte une longue barbe grise.

Nous discutons 5 minutes, l’homme plus âgé accepte de nous donner de l’eau. Brahim barraque un dromadaire pour attraper 5 petits bidons vides de 5 litres. Puis le shibani se remet à discuter nous expliquant que bien plus bas nous trouverions un village où la qualité de l’eau est meilleure que celle chez lui.

Nous comprenons qu’il ne veut pas nous donner d’eau pour que nous soyons obligés d’aller plus loin. Brahim attache les 5 petits bidons vides et nous repartons. L’homme n’emportera pas au paradis ces 5 petits bidons d’eau. Brahim est furieux. Absolument « achouma» (indécent) de refuser de l’eau à des voyageurs fatigués.

Nous parcourons au moins 5 kilomètres. En traversant un petit hameau, Addi demande à des enfants s’ils peuvent nous amener un peu d’eau. Brahim barraque le dromadaire. Dix minutes après les garçons nous amènent cette eau précieuse dans les 5 petits bidons.

L’eau vient d’une « tanoute fi », une citerne souterraine et creusée dans la coure de la maison, se remplit avec l’eau d’écoulement des toits lors des pluies. Il existe des « tanoute fi» dans le bas des champs qui servent de réservoir pour donner à boire aux vaches et autres animaux de la ferme.

« Tanoute fi » en traduisant littéralement veut dire, « petite source remplie ». Ce moyen ingénieux de récupérer l’eau de pluie est particulier à cette région du Sous Essaouira – Agadir. On en les trouve un peu dans la zone Saharienne proche de l’Océan.

Quelques kilomètres à dévaler les collines pour trouver un espace non cultivé où les arganiers

n’appartiennent à personne. Nous sommes dans la zone du « rapt », les forêts sauvages collectives. Nous rencontrons un berger avec ses brebis qui nous confirme que nous pouvons nous installer.

Cette journée fut la plus longue depuis notre départ de Ouarzazate, 9 heures 20 mn de marche plus 15 minutes de palabres. La deuxième partie de la journée éprouvante, les chameaux devenaient nerveux car ayant trop faim. J’avais mal au dos portant un de mes appareil photo assez lourd en bandoulière.

Environ 40 km.

Nous sommes en repérage sur un terrain inconnu.