Sur les traces des anciennes caravanes
Jour 15
J’ai dormi dans la tente tellement l’humidité était importante, les éclairs illuminaient encore le ciel à l’Ouest. La terre a été bien mouillée. C’est une joie pour la nature, les agriculteurs, et les éleveurs.
Nous empruntons une trace de vélos et mobylettes repérée hier par Brahim en gardant les chameaux. Traces qui forme un chemin comme on en voit dans désert utilisées par les bergers.
Nous sortons enfin de cette longue plaine en traversant l’oued Bouanfére. Un agriculteur nous indique un pont agricole qui enjambe l’autoroute. Effectivement crottes de moutons et traces d’ânes. Qu’elle chance. Nous avions repéré un autre pont où le trafic routier était rapide, ce qui est délicat voir dangereux pour les chameaux apeurés par les vrombissements des moteurs des camions.
Nous retrouvons les étendues arides.
En traversant le village de Ouled Chinane nous nous approchons d’un puits car les chameaux ont soif,. Hier ils buvaient l’eau d’écoulement de la pluie sur la bâche qui protégeait la tente.
Un shibani à la barbe blanche à l’allure Saharoui nous interpelle et nous invite à rentrer dans sa coure où un abreuvoir est installé. Il ouvre le robinet et les chameaux boivent. Cet homme nous demande d’être prit en photos avec ses garçons devant les chameaux. Il explique qu’enfant son père achetait le charbon de bois aux caravanes de chameaux chargées de « L’fagh » venant du Haha (sud d’Essaouira) et allant à Marrakech. Cela remonte à 50 ans. Il nous indique cet ancien chemin des caravanes que nous suivons. Effectivement borné de cailloux alignés marquant le passage et assez large pour que les caravanes chargées se croisent sans empiéter les cultures « sèches » de céréales.
Au long de ce chemin les moissonneurs arrachent l’orge à la main, récupérant ainsi la racine et plus de fourrage pour leurs bêtes. En discutant avec l’un d’eux il est ravi de la récolte, pourtant bien maigre.
Nous atteignons le village de Rimal Al Khenig, construit sur un col à 580 mètres d’altitude, répartis en 3 où 4 hameaux avec chacun leur mosquée. Une falaise circulaire protège naturellement le village ainsi qu’une ruine de rempart en pierres en complément. Je suis interpellé par 4 coupoles qui apparaissent sur la croupe rocheuse en haut du cimetière.
Le village en pente nous le dépassons de 500 mètres pour installer notre bivouac sur le replat du terrain de foot.
Étape de 6 heures 30 mn de marche, environ 30 km.
Après la sieste rituelle, je repars vers ce village
qui m’intrigue pour 3 choses:
- La beauté des murs de pierre et cette disposition circulaire de ces villages groupés.
- Ces nombreuses coupoles. Je m’approche de la plus grande coupole et je constate que ces tombeaux sont construits à l’intérieur d’un très ancien cimetière entouré d’un mur de pierres avec une porte de fer. Après les salutations de coutumières je demande s’il est possible de visiter le marabout du Waly Saleh Sidi M’bark Mallouk (nom donné par le vieux bergers rencontré à côté du bivouac). En première réponse l’homme me répond que non. Lui expliquant que je voyage à pied sur la route des anciennes caravanes et des Marabouts, il me répond vas y, tu pousses la porte. Je trouve à l’intérieur plusieurs personnes dont un homme avec une grande barbe devant le tombeau de Sidi M’bark. Tu peux visiter me répond-il. Je rentre dans le marabout à l’architecte épurée. J’aime ces lieux où il s’est passé tant de choses et couvertes de mystères. L’homme me confirme que je peux faire la visite de tout le cimetière. Il y a 100 coupoles dont plusieurs écroulées tellement anciennes. J’arpente lentement ce cimetière en pente en empruntant les sentiers qui permettent de rejoindre les différents étages. Effectivement les marabouts sont très nombreux. Je n’ai jamais vue au Maroc une telle concentration de marabouts sur un même lieu. Je ne reste pas trop longtemps car un groupe d’une trentaine de femmes sont à la porte d’un marabout et à leurs regards je sens que je dérange. Je repars et découvre plus bas du cimetière au loin un groupe d’hommes. Il y a sûrement eu un décès où une procession particulière. Je ressors du cimetière. Je m’assois sur une pierre plate à côté d’une autre porte d’accès. Un homme me confirme l’enterrement aujourd’hui d’un homme de 70 ans.
- 3ème énigme est le nom du village « khenga » nom que j’ai trouvé uniquement dans la zone saharienne de Tantan, Layoune et sud. Jamais ailleurs au Maroc ce nom n’est employé. Brahim me le confirme. C’est le nom donné spécifique pour appeler au Sahara Marocain un « passage » dans un plissement rocheux vertical d’une hauteur de 100 -200 mètres. Une sorte de porte naturelle où la rivière lors des orages peut s’écouler et qui sert de passage également. Unique dans cette région.
A mon retour de ces visites un homme m’accompagne en marchant rejoignant sa maison à côté de notre bivouac.
Je le questionne sur toutes ces mystères. Nordine m’indique que son grand-père avait été un de ces Waly.
A la sortie du Khenga il me propose un détour pour aller visiter une grotte. On y rentre en posant mains et genoux au sol par une sorte de petite fenêtre taillée au carré. À l’intérieur une grotte naturelle avec une belle salle. Il m’explique que la grotte était habitée avant l’édification du village. Il aurait trouvé en fouillant le sol des morceaux d’os étranges n’ayant pas la consistance d’os humains.
A l’heure du F’tor il nous apporte une délicieuse soupe de blé au lait et un bol des premiers abricots mûres de son jardin. Il revient avec 2 morceaux d’os de huit centimètres de longs et des photocopies pliées en huit de documents anciens sur son village, que Brahim déchiffre. On y parle d’une partie de la généalogie dont l’un des premiers Waly serait venu du Sahara et de la Séquia Al Hamra. Ce qui confirme le nom Saharaoui de « Khenga ». Une autre Waly serait venu de Fés. Cette Zaouia où l’on a enseigné le Coran durant des générations à rayonné d’importance dans la région.
Il est indiqué que l’origine du plus ancien marabout serait l’année 1440.
Une journée de découvertes qui embellit notre traversée sur ces routes anciennes.